Bioéthique II

Ethique et recherche médicale

H. Allain et al.

Laboratoire de Pharmacologie Expérimentale et Clinique
2, av du Pr. Léon Bernard 35043 Rennes cedex
 

mis à jour le 15 juin 1999

1 Introduction génerale
1.1 Le séminaire
1.2 L'objectif
1.3 La méthode
1.4 Les prérequis
1.5 La technique
1.6 Références
1.7 Exemples de réflexion
2 L'éthique du chercheur
2.1 Bases de réflexion
2.2 Exemples de réflexion
2.3 Interactions
2.4 Commentaires
2.5 Références
3 L'éthique dans les essais cliniques
3.1 Bases de réflexion
3.2 Exemples de réflexion
3.3 Interrogations
3.4 Commentaires
3.5 Références
4 La neuropsychopharmacologie et l'éthique
4.1 Bases de réflexion
4.2 Exemples de réflexion
4.3 Interrogations
4.4 Commentaires
4.5 Références
5 La recherche clinique et la fraude
5.1 Bases de réflexion
5.2 Exemples de réflexion
5.3 Interrogations
5.4 Commentaires
5.5 Références
6 Ethique et Internet
6.1 Bases de réflexion
6.2 Applications
6.3 Interrogations
6.4 Commentaires
6.5 Bibliographie
7 L'ethique et la sécurité
7.1 Bases de réflexion
7.2 Exemples de réflexion
7.3 Interrogations
7.4 Commentaires
7.5 Références
8 Ethique, recherche médicale et religion
8.1 Bases de la réflexion
8.2 Exemples de réflexion
9 Un exemple de l'entorse à l'éthique : la médecine nazie
10 Figures libres
11 Ethique et pathologie tropicale
11.1 Bases de réflexion
11.2 Exemples de réflexion
11.3 Interrogations
12 Ethique et recherche en chirurgie
12.1 Base de réflexion
12.2 Interrogations

CHAPITRES EVOQUES DANS LE SEMINAIRE :

ETHIQUE ET RECHERCHE MEDICALE

1 - Introduction générale
2 - L'Ethique du chercheur
3 - L'Ethique dans les essais cliniques
4 - L'Ethique et la sécurité 
5 - La Fraude
6 - Le Cerveau Ethique 
7 - Ethique et Médecine Virtuelle
8 - Ethique et Recherche Epidémiologique
9 - Ethique et Statistiques 
10 - La Recherche médicale et les pays émergents
11 - L'Euthanasie
12 - Recherche clinique et Maladie d'Alzheimer
13 - L'Ethique médicale sur l'Internet
14 - La Neuropsychopharmacologie et l'Ethique
15 - Ethique médicale et religion
16 - Ethique, loi et maladie mentale 
17 - Exemple de l'entorse à l'Ethique : la médecine Nazie
18 - Recherche médicale, financement, argent
19 - Ethique et Recherche en Chirurgie 
20 - Figures Libres (cas à discuter) 

H. ALLAIN 
H. ALLAIN 
H. ALLAIN 
H. ALLAIN 
S. SCHUCK 
O. SABOURAUD 
P. LE BEUX 
J. CHAPERON 
M. KERBAOL 
C. GUIGUEN 
O. MICHEL 
O. MICHEL 
P-Y. ALLAIN 
H. ALLAIN 
VERSPIEREN 
LACHAUX 
H. ALLAIN 

B. LAUNOIS 

 

 

1 Introduction générale

H. ALLAIN Pharmacologie Université de Rennes I

1.1 Le séminaire

Le séminaire intitulé Recherche Clinique et Ethique Biomédicale s'adresse, dans le cadre du cursus des études médicales, à tous les étudiants des 4ème, 5ème et 6ème année de médecine de la Faculté de Médecine.

1.2 L'objectif

L'objectif est de formaliser quelques pistes de réflexion éthique à propos des activités de Recherche Clinique en Médecine ; charge à l'étudiant, ensuite, lors de ses stages pratiques, ou lors de sa participation à des travaux de recherche de situer les interrogations générales qui vont suivre, d'entamer une discussion structurée sur le bien et le mal lors des décisions concernant recherche et innovation, de vivre avec enthousiasme le progrès médical en dehors de toute naïveté, inconscience, ou sectarisme ("Par définition la recherche biomédicale est orientée vers le bien").

1.3 La méthode

La méthode repose sur la réflexion, cas par cas, par compagnonage, en sachant se poser et poser à autrui la juste question. Les chapitres qui suivent ne doivent être considérés que comme un canevas face soit à la routine de la Recherche Clinique (ex : les essais cliniques) soit à l'avant-garde (ex : la recherche virtuelle). Le respect de l'Autre et de la Personne Humaine doit rester en première ligne dans la réflexion éthique, en particulier pour le futur médecin.

1.4 Les prérequis

Les prérequis sont, outre les cours de bioéthique dispensés en première année de Médecine, les enseignements dits de "sciences fondamentales" ainsi que sa propre histoire et ses rapports avec sa morale individuelle.

1.5 La technique

La technique employée dans ce séminaire repose sur l'exposé des thématiques, un échange interindividuel puis un rapport écrit d'expériences et de confrontations dans le champ de l'éthique, lors de ces dernières années d'apprentissage théorique de la médecine. Ces bases seront insérées sur Internet dans le cadre de l'enseignement télématique de la Pharmacologie :

http://www.med.univ-rennes1.fr/etud/pharmaco

Quelques livres, documents ou adresses électroniques pourront être consultées (Tableau I). Les chapitres "modulables" actuels ou à paraître apparaissent dans le Tableau II.

1.6 Références

BELET D.
Vers un marketing de la recherche universitaire.
Revue Française de Gestion 1996 ; 103 : 45-56.

BUTLER D., FLEAUX R.
Les journaux scientifiques sont menacés par la concurrence d'Internet.
Le Monde 1999 (22 Janvier) : p 21.

DUBOIS J.
L'entreprise apprenante.
Projet 1995 ; 244 : 71-80.

LEBRUN Ch.
Le sujet créateur du Futur. De l'insensé au sens ou la naissance du sujet.
Futuribles 1998 (Octobre) : 5-26.

SALOMON J.J.
La science et se malaises.
Futuribles 1998 (Novembre) : 25-38.

AUDI P.
Supériorité de l'éthique. De Schopenhauer à Wittgenstein. PUF, "Perspectives Critiques" (Paris) 1999 ; pp 248.

ILLICH I.
Un facteur pathogène prédominant. L'obsession de la santé parfaite.
Le Monde Diplômatique 1999, (mars) : 28. 

1.7 Exemples de réflexion

Des manuels et les livres

1 - REPERES ET SITUATIONS ETHIQUES EN MEDECINE. Coordination : Francis GOLD, Patrick CHOUTET, Emmanuelle BURFIN, Ellipses (Paris) 1996 ; pp 239 

2 - La BIOETHIQUE - Guy DURAND - CERF-FIDES (Québec) 1997 ; pp 128 

3 - ETHIQUE MEDICALE OU BIOETHIQUE. Christian HERVE. L'Harmattan (Paris) 1997 ; pp 159 

4 - PHILOSOPHIE, ETHIQUE ET DROIT DE LA MEDECINE. Dominique FOLSCHELD ; Brigitte FEUILLET - LE MINTIER ; Jean-François MATTEI. Presses Universitaires de France (Paris) 1997 ; pp 665 

5 - ANNUAIRE DES MALADIES RARES. ORPHANET. Editions INSERM (Paris) 1998 ; pp 752 

6 - LES NORMES INTERNATIONALES DE LA BIOETHIQUE. Noëlle LENOIR, Bertrand MATHIEU. Que sais-je ? Presses Universitaires de France (Paris) 1998 ; pp 127 

7 - TETRALOGIQUES N°9. QUESTIONS D'ETHIQUE. ANTHROPOLOGIE CLINIQUE. Jean GAGNEPAIN. Presses Universitaires de Rennes (Rennes) 1994 ; pp 206 

8 - LA SANTE FACE AUX DROITS DE L'HOMME A L'ETHIQUE ET AUX MORALES. 120 CAS PRATIQUES. Réseau Europeen "Médecine et droits de l'homme". Editions du Conseil de l'Europe (Strasbourg) 1996 ; pp 500 

9 - LA RELIGION, LES MAUX, LES VICES. Alain HOUZIAUX. Presses de la Renaissance (Paris) 1998 ; pp 234 

10 - SCIENCES ET POUVOIRS. La démocratie face à la technoscience. Isabelle STENGERS. Editions La Découverte (Paris) 1997 ; pp 120 

Les sites internet/éthique

2 L'éthique du chercheur

H. ALLAIN Pharmacologie Université de Rennes I

2.1 Bases de réflexion

Le chercheur reste personnellement responsable de ses travaux jusqu'à leur diffusion. Cette responsabilité est avalisée par des comités d'éthique indépendants qui examinent a priori toute recherche sur l'homme ou sur les tissus humains. Etre chercheur implique obligatoirement une équipe d'êtres humains, différents par leur sexe, leur âge, leur degré de savoir, leur complémentarité, ce qui signifie la nécessité d'une harmonie morale et une qualité de relation humaine. Les fondements moraux de cette relation sont individuels. Les décisions politiques dépendent de plus en plus souvent des résultats de la recherche d'où le risque qu'un petit nombre de chercheurs devienne des figures médiatiques, des penseurs professionnels, ou des leviers incontournables au sein des institutions. Les liens obligatoires entre la recherche publique et ses applications, donc le monde industriel et l'économie, impliquent une transparence des liens financiers et des conflits d'intérêt. Le public et les décideurs doivent s'appuyer avec confiance sur les résultats de la recherche.

2.2 Exemples de réflexion

L'histoire de la Recherche Médicale abonde d'exemples où le chercheur ne respecte pas l'éthique. Ces exemples sont rarement mis sur la place publique, les affaires étant le plus souvent réglées par des Commissions ad hoc ou encore non analysées, notamment par les victimes (cf : le harcèlement). Les cas fréquents d'entorse à l'éthique, semblent plus éthérés : 1) appropriation des travaux d'autrui ; 2) absence de citation ou de mention de l'auteur princeps ou du découvreur original (voir le conflit sur le "découvreur" du virus HIV) ; 3) médiatisation d'une théorie ou d'une technique dans son propre intérêt (pouvoir, gloire, argent) ; 4) pathologie psychiatrique ou trait de personnalité (non incompatible avec un haut degré d'intelligence ou de technicité) conditionnant les conduites du chercheur.

2.3 Interactions

. Profil psychologique du chercheur.
. Conséquences sur l'équipe de la conduite du chercheur.
. Souffrance de l'Autre.
. Rapport à terme entre la performance scientifique et l'éthique du chercheur.
. Mécanismes et systèmes régulant l'éthique d'un chercheur ou d'une équipe.
. Ethique et performance / notoriété d'une équipe de recherche.

2.4 Commentaires

- La spécificité de ce chapitre tient en grande partie à l'objet même de la recherche (ici biomédicale).
- Le climat de compétition extrême régnant en recherche médicale peut expliquer la fréquence des déviances et des prises de risque.
- Le pouvoir d'attraction (notamment pour les plus jeunes) des "gagneurs sans morale" est à souligner.
- En prévention, il peut être proposé d'éviter les 7 péchés capitaux du chercheur (Tableau III).

2.5 Références

M.F. HIRIGOYEN
Le Harcèlement moral. La violence perverse au quotidien. Syros (Paris) 1998, pp 213.

H. ALLAIN
Biologie et pharmacologie des comportements violents. Neuro-Psy 1997 : 12 : 441-447.

P. BEAUCHAMP
La violence dans la Bible. Etudes (Avril n° 3904) 1999 ; 483-496.

E. ARON
Le docteur François Rabelais. Editions CLD (Chambray-lès-Tours) 1993 ; pp 213.

 

LES 7 PECHES CAPITAUX DU CHERCHEUR

1 - Omission  : Jamais dans tes références bibliographiques tu ne citeras ton collègue  ou les équipes françaises 

2 - Jalousie  : Toujours tu jalouseras ton équivalent 

3 - Délation  : Par tous les moyens tu abaisseras ton concurrent scientifique 

4 - Génération  : Le plus possible tu écraseras et exploiteras le plus jeune 

5 - Argent  : Jamais tu ne partageras les bénéfices directs ou indirects de la recherche 

6 - Temps  : Jamais tu ne réfléchiras à la fugacité de ta personne, de ton oeuvre et de ta recherche 

7 - L'Autre  : Toujours tu considéreras l'autre comme ta chose au service de ta gloire éphémère 

3 L'éthique dans les essais cliniques

H. ALLAIN Pharmacologie Université de Rennes I

3.1 Bases de réflexion

Les essais cliniques sont imposés par la loi et la réglementation (Loi Huriet-Serusclat de 1988). Ils représentent la section Humaine du développement d'un médicament. De la phase I à la phase III, les recherches entreprises chez l'homme conduiront à l'autorisation de mise sur le marché (AMM) permettant la commercialisation, dans tous les états membres de l'Union Européenne, grâce aujourd'hui à l'AMM européenne (EMEA). Ces expérimentations humaines sont soumises aux règles du Guide des Bonnes Pratiques cliniques et avalisées, a priori, par les CCPPPRB. Par définition l'essai clinique soulève d'importantes questions d'ordre moral tant globales (il est immoral de se servir de l'être humain comme support d'une recherche) que ponctuelles (chaque étape de l'essai et de sa réalisation doit être confrontée à sa dimension éthique).

3.2 Exemples de réflexion

3.2.1 L'objectif de l'essai

La classification des expérimentations en deux catégories avec ou sans bénéfice direct pour l'être humain, a le mérite de lever toute ambigüité vis à vis de la participation du sujet dans l'étude. Savoir dans quelle type de catégories se situe le travail projeté n'est pas toujours simple (ex : le bénéfice direct est-il immédiat ou potentiellement probable ? Dès la phase IIb, certains sujets pourront-ils être améliorés ?...).

3.2.2 L'obtention du consentement éclairé

Cette étape est obligatoire mais nécessiterait une réflexion sur les conditions de l'obtention de ce consentement éclairé à signer (supplice des brodequins ; arguments fallacieux ou détournés ; qualité des explications sur le devenir d'un tissu d'un embryon ou d'un organe prélevé ...). De même, certains sujets du fait de leur condition de santé (démence, psychiatrie ...), de statut (les prisonniers, les sans-papiers, les minorités, les institutionalisés ...) ou d'âge (le nourrisson, le sujet très âgé ...) peuvent faire l'objet d'un biais d'obtention du consentement.

3.2.3 Le placebo

S'il est clair que le placebo ne doit pas être utilisé lorsque le devenir du sujet peut être compromis ou lorsqu'existe un traitement alternatif efficace (thérapeutique de référence), il importe de s'arrêter sur deux questions :

1) A-t-on clairement expliqué au sujet qu'il avait un(e) "risque/chance" d'être exposé au placebo ?

2) A-t-on vérifié techniquement que le placebo est strictement identique au Verum (moyennant quoi le double-aveugle devient un leurre, les résultats tronqués, l'expérimentation insensée...). Rappelons enfin qu'être inclus dans le groupe placebo peut parfois être "préférable" (exemple de l'étude CAST dans les arythmies ou la mortalité s'est révélée plus élevée dans le groupe Verum).

3.2.4 L'arrêt prématuré de l'essai

L'objectif moral vise à exposer le moins possible de sujets ou le moins longtemps possible des sujets à un produit dès que la démonstration (soit d'efficacité, soit de toxicité) est plausible. Casse-tête statistique, cette situation est courante dans l'histoire des grands essais (AZT et SIDA, étude CAST et arythmies ; Betaferon et forme progressive de la sclérose en plaques...) et cette éventualité doit être stipulée dans le protocole.

3.2.5 La durée de l'essai

Pour beaucoup de maladies chroniques, nécessitant un traitement au long cours ou à vie, il apparaît que la durée de l'essai clinique (dans ses conditions méthodologiques les plus strictes) est dérisoirement brève par rapport à la durée de traitement potentiel (exemple : un an d'essai pour la maladie d'Alzheimer qui peut évoluer sur 30 ans ; 1 à 5 ans d'essai pour les interférons dans la sclérose en plaques (SEP) qui peut évoluer par "poussées" sur 40 ans ; 1 an de double aveugle dans l'hypertension artérielle essentielle à traiter à vie, etc...). Le débat moral ici est de s'assurer de la prédictibilité des résultats obtenus dans ces essais "relativement de courte durée", des alternatives méthodologiques potentielles à l'essai randomisé en double aveugle ainsi que la pertinence scientifique (et morale) des critères intermédiaires (surrogate markers) utilisés comme index d'activité d'un médicament (Néoptérine et IL-10 dans la SEP ; agrégation plaquettaire et accident vasculaire cérébral ; EEG quantifié et psychotropes...).

3.3 Interrogations

- Degré de compétence personnelle dans l'évaluation de la qualité d'un essai clinique.
- Capacité d'analyse et de critique de l'information thérapeutique issue des essais cliniques.
- Qualité, comparabilité, évolution des groupes placebo dans les essais (supposés refléter l'évolution "naturelle" d'une maladie).
- Analyse éthique des médecines alternatives ou parallèles (en règle non évaluées par les essais cliniques).
- Attitude face à l'enseignement de la thérapeutique, la législation, l'information et la publicité sur les médicaments.

3.4 Commentaires

L'essai clinique est au coeur de la pratique médicale, de l'enseignement de la thérapeutique (la fameuse Evidence-Based-Medecine) et de la régulation de la publicité sur les médicaments.

Etre promoteur d'un essai clinique, technicien de l'essai clinique (c'est l'une des missions de la pharmacologie clinique), lecteur d'un rapport d'étude, prescripteur ou conférencier, implique à chaque étape une pause de réflexion éthique (Tableau IV).

Le respect de l'éthique conditionne la véracité des faits scientifiques à l'épreuve dans l'essai clinique.

3.5 Références

H. ALLAIN, D. BENTUE-FERRER, S. SCHUCK, O. ZEKRI,
Méthodologie de l'évaluation des médicaments : principes et généralités.
Angéiologie. 1997 ; 49 : 64-78.

H. ALLAIN
La notion de personne dans la recherche biomédicale : application à la pharmacologie
Neuro-Psy. 1996 ; 11 : 164-171.

H. ALLAIN
Le consentement éclairé : abord psychologique
Neuro-Psy. 1996 ; 11 : 172-173.

H. ALLAIN
Des Neurosciences à la prescription.
Confrontations psychatriques. Paris 1999 (in press).

P. RUDGE
Are clinical trials of therapeutic agents for MS long enough ?
Lancet 1999 ; 353 ; 1033-1034.
 

  LES 7 PAUSES ETHIQUES DANS L'ESSAI CLINIQUE

1 - Le sujet inclus 

2 - Les conditions de l'obtention du consentement 

3 - le placebo 

4 - L'ALTERNATIVE A L'ESSAI RANDOMISE EN DOUBLE AVEUGLE 

5 - L'INTERET THERAPEUTIQUE POTENTIEL DU RESULTAT ATTENDU 

6 - l'INTERPRETATION DES RESULTATS 

7 - la dissemination de l'INFORMATION 

4 La neuropsychopharmacologie et l'éthique

H. ALLAIN Pharmacologie Université de Rennes I

4.1 Bases de réflexion

La décision du Président américain BUSH, en 1990, de dédier la période 1990-2000 à la recherche sur le cerveau ("la décennie du cerveau"), décision rapidement suivie par l'Europe, explique la véritable explosion des Neurosciences et en particulier de la Neuropsychopharmacologie c'est-à-dire l'étude de l'effet des médicaments sur le cerveau et les malades du Système Nerveux Central (SNC). Les résultats peuvent être d'emblée jugés par l'apparition sur le marché (AMM) de 3 médicaments dans la Maladie d'Alzheimer, 3 interférons-bêta dans la sclérose en plaques, 3 triptans dans le traitement de la crise migraineuse, l'expansion des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) dans la dépression, etc... . Plus interrogateurs sont les produits susceptibles de modifier les comportements, les conduites, les fonctions cognitives avec l'émergence toute récente de la pharmacologie de la cognition, application chez l'être humain des données les plus fondamentales acquises en Neurosciences et Neuroimagerie. Le cerveau, substrat anatomique des comportements, de la pensée voire de l'éthique peut ainsi être modifié artificiellement. Le débat doit donc être ouvert sur les questions cruciales qui se posent en recherche médicale sur cet organe signifiant de l'être Humain. L'actualité, sous l'angle de l'effet délétère des substances, est dominée, par l'usage de la drogue voire le mésusage des psychotropes, substances modifiant le comportement et la pensée.

4.2 Exemples de réflexion

- L'accélération de la vitesse de passage à l'homme de nouvelles molécules est à confronter au "non savoir total" relatif au rôle de certains récepteurs du SNC. Certains ligands (des récepteurs de type NMDA, des récepteurs sigma ...) ou des substances peptide-like se sont révélés inducteurs d'hallucinations voire de troubles du comportement chez le volontaire sain.

- D'autres produits principalement des psychotropes peuvent favoriser le passage à l'acte ou désinhiber, en libérant ainsi des comportements ou des idées "enfouis" (phénomène non totalement prévisible a priori).

- L'indication dans le "futur" des substances améliorant les performances intellectuelles ou cognitives (la mémoire) reste un problème avec à chaque fois dans nos sociétés (dites de performance) le risque d'abus et de mésusage (Tableau V).

4.3 Interrogations

- Pour beaucoup de substances en cours de développement dans le chapitre de la cognition (application aux démences et au sujet âgé) des études de phase précoce doivent être réalisées en institution chez des personnes intellectuellement dégradées.

- Quelles sont les précautions techniques envisagées pour détecter très finement, si possible à un stade infra-clinique, des effets pharmacologiques sur le comportement, les conduites, les freins dits "psychologiques" ?

- Presque tous les psychostimulants ou substances agissant sur les récepteurs du SNC exposent potentiellement au risque de pharmacodépendance.

- Attitude devant un volontaire sain chez qui l'on a déclenché un épisode hallucinatoire.

4.4 Commentaires

- La neuropsychopharmacologie peut modifier l'éthique (?)

- Les règles morales et la législation ne doivent pas être un frein à la recherche sur les médicaments du cerveau.

- Les conséquences sur la société d'une innovation dans ce champ doivent être envisagées très tôt : conduite automobile, métiers à risque, implications médico-légales ou judiciaires.

4.5 Références

PATAT A.
Driving, drug research and the pharmaceutical industry.
Human Psychopharmacology Clinic and Experimental 1998 ; 13 : 124-132.

ALLAIN H. et coll
Emotion, anxiété et performance cognitive.
Solal Editions (Marseille) 1998 ; 311-320.

ALLAIN H. et al
Experimental and clinical methods in the development of anti-Alzheimer drugs.
Fund Clin Pharmacol 1998 ; 12 : 13-29.

ALLAIN H., BENTUE-FERRER D., NIEOULLON A.
Du récepteur au médicament. In : Thérapeutique psychiatrique. J-L. Senon et al éditeurs. Chapitre I : 21-58. Herman Edition (Paris) 1995.

CORNWELL J.
Consciousness and human identity
Oxford University Press (Oxford, UKà 1998 : pp 256.

MILOT C.
Probing the biology of emotion.
Science 1998 ; 280 : 1005-1007.

BILDER R.M.
Neuroscience of the mind on the centennial of Freud's
Annals of the New-York Academy of Sciences 1998 ; 843 : pp 184
 

LES 7 POINTS-CLES EN NEUROPSYCHOPHARMACOLOGIE

1 - Le RISQUE D'HALLUNICATIONS 

2 - CONDUITES ET COMPORTEMENTS CHIMIQUEMENT MODIFIES 

3 - LA DEPENDANCE 

4 - UTILITE DE LA STIMULATION DES PERFORMANCES INTELLECTUELLES ET COGNITIVES 

5 - INTERFACE MEDICAMENT / CERVEAU ETHIQUE 

6 - IDENTIFICATION DE NOUVEAUX RECEPTEURS ET EFFETS CHEZ L'HOMME 

7 - INDICATIONS DES MEDICAMENTS DE LA COGNITION 

5 La Recherche clinique et la fraude

S. SCHÜCK Pharmacologie Université de Rennes I

5.1 Bases de réflexion

5.1.1 La recherche clinique

L'évolution de la pratique médicale a abouti à un changement de paradigme dans les modalités courantes de l'exercice médical. Les bases de ce nouveau paradigme reposent essentiellement sur les développements de la Recherche Clinique et surtout, sur l'intégration de ses résultats dans les pratiques quotidiennes du médecin, qu'il soit généraliste ou spécialiste. Cette médecine établie sur des bases objectives (L'evidence based medecine des anglo-saxons) implique de fait des études de recherche clinique de qualité optimale et éthiquement irréprochable. La recherche clinique peut se définir comme une investigation chez l'homme, dans le but de répondre à une question d'ordre thérapeutique, pronostique ou diagnostique. Le projet de recherche clinique se doit donc d'être pertinent (répercussions sur la future démarche clinique), innovant (il est hors de question et non éthique de répéter une étude déjà réalisée) faisable (contraintes d'ordre matériel, méthodologique) et éthique (principes de l'intérêt et du bénéfice de la recherche, principe de justice).

5.1.2 La recherche clinique et l'étudiant en médecine

Le premier contact de l'étudiant en médecine avec la recherche clinique s'établit généralement au moment de sa thèse d'exercice. La figure 1 illustre le parcours (un des parcours possible) pour accéder à la recherche clinique. Devant la complexité des méthodes, mener une recherche clinique nécessite une formation adéquate faisant appel à l'épidémiologie et aux statistiques. Cette formation s'acquiert le plus souvent pendant l'Internat (de spécialité ou de médecine générale).

5.1.3 La publication

La publication constitue pour le chercheur une véritable vitrine, nationale et internationale. Les résultats d'une recherche clinique doivent être portés à la connaissance de la communauté médicale et scientifique (dissémination de l'information). C'est le rôle des journaux scientifiques (dont la notoriété s'exprime par l'impact factor) qui, via un comité de lecture, vont s'assurer de la pertinence et de la qualité globale de la publication soumise. Les enjeux des publications, pour un chercheur, sont énormes. Celles-ci peuvent lui amener la reconnaissance (institutionnelle via la carrière, par ses pairs et par ses collègues) des finances (publiques et privées) et attirer l'attention sur son laboratoire, son hôpital, son université, sa région... . L'importance des publications est telle qu'elle est souvent caricaturée : c'est le fameux "publish or perish" (publier ou mourir). La formule est provocante mais très réelle pour le chercheur. D'autre part, l'explosion des nouvelles technologies de l'information permet à quiconque, via la base de données internationale MEDLINE qui recense une partie des publications (avec un large biais de sélection!), de connaître en temps réel les publications d'un chercheur, donc d'évaluer son travail et son activité.

5.2 Exemples de réflexion

5.2.1 Les contraintes de la publication

Pour tenter de comprendre le caractère frauduleux de certaines recherches, il importe d'appréhender les "contraintes" à la publication dont nous avons vu l'importance capitale pour le chercheur. Afin d'être retenu par le comité de lecture d'une revue scientifique, les résultats d'une recherche clinique se doivent d'être innovants et doivent apporter des améliorations à la pratique médicale ou à la compréhension d'un phénomène de santé. En ce sens, les résultats se doivent d'être positifs et concluants. Les résultats négatifs ou amenant des conclusions incertaines ne sont que rarement publiés. Cette littérature, nommée littérature "grise" n'est pourtant pas dénuée d'intérêt scientifique, car permettant à d'autres chercheurs de ne pas s'engager dans des voies déjà testées et de connaître ce qui "ne marche pas" !

5.2.2 Les différents types de fraude

La fraude par omission

Un chercheur peut frauder sans intentions réelles de le faire, du fait d'une méthodologie inadaptée à la question posée, source de biais majeurs dans l'interprétation des résultats. D'un point de vue éthique, le chercheur doit donc connaître la méthodologie de la recherche clinique, et en connaître ses limites. La communication et la collaboration entre chercheurs, méthodologistes, statisticiens, informaticiens et sociologues de la santé apparaît donc comme une condition sine qua non à tout projet de recherche clinique.

La fraude volontaire

Afin d'être publié, un chercheur peut être tenté de faire pencher "la balance statistique" en faveur de son hypothèse de recherche. Cette balance statistique s'exprime par le degré de significativité statistique, le fameux "petit p" qui doit être inférieur à 5 % pour prouver l'existence d'une association non gratuite entre les variables étudiées. Manipuler les données (exemple : on enlève un sujet "aberrant", une valeur gênante ...) pour arriver à un petit p inférieur à 0,05 est éthiquement et humainement innacceptable. Une autre pratique relevant de la fraude scientifique consiste à chercher à publier la même étude dans différentes revues, en modifiant certains intitulés ou certains aspects de la recherche.

Cette pratique est condamnable ; il faut savoir enfin que l'acte de publier dans une revue implique l'engagement moral du chercheur à ne pas soumettre à nouveau son étude à une autre revue.

L'illusion

Dans le monde de la publication, un chercheur peut faire illusion en cosignant des travaux dans lesquels sa participation intellectuelle et réflexive a été modeste, voire inexistante. Cette pratique, fréquente, puisqu'on lui a donné un nom ("l'author gift") est dénoncée par les comités éditoriaux qui d'ailleurs attirent l'attention des chercheurs sur ce point via les "instructions aux auteurs". L'illusion enfin peut se retrouver sur le "terrain de la recherche", un chercheur à la contribution des plus modestes se laissant porter par l'équipe, en en tirant tous les avantages. Donner, enfin, l'illusion d'être éthique est un sujet délicat ! ...

Le conflit d'intérêt

Un chercheur peut également manquer volontairement d'objectivité scientifique si la molécule, le dispositif ou la pratique qu'il teste appartiennent à des sociétés ou des institutions avec lesquelles le chercheur possède des liens privilégiés ou des intérêts de nature diverse. Là encore, cette attitude est nuisible à l'esprit et à l'éthique scientifique ; au moment de la publication, les auteurs doivent s'engager sur le fait qu'ils sont libres de tous conflits d'intérêts potentiels. Ce problème est à rapprocher de la publicité sur les médicaments (voir l'éditorial de A. Ferriman et l'important problème de la cyberfraude) ou du rôle de la finance dans les orientations de la recherche clinique.

5.2.3 Les parades

5.2.4 Quelques éléments chiffres

Quantifier la fraude apparaît par définition comme une tâche difficile ! Il faut la définir, l'identifier et la mesurer... Nous ne disposons que de très peu de données sur ce thème, mais à titre indicatif, signalons que l'Office of Research Integrity (Etats-Unis) a reçu entre 1993 et 1997 plus de 1000 suspicions de recherches frauduleuses. Cet organisme a investigué 150 de ces recherches et a conclu à des fraudes réelles dans plus de la moitié de ces cas.

5.3 Interrogations

- Différence entre fraude, biais, erreur ?
- Comment détecter une fraude ?
- Attitude personnelle, institutionnelle ou des éditeurs lors d'une suspicion.
- Analyse des techniques de prévention et de contrôle des expérimentations
- Objectifs financiers et marketing d'une recherche clinique.

5.4 Commentaires

- Il n'y a pas de recherche clinique sans que le sens du projet n'ait été débattu.
- La place de l'éthique est ici à l'étroit entre le droit, la justice, et l'information.
- Une réflexion sur ce thème vise à bien se situer entre deux extrêmes, la naïveté et la paranoïa.

5.5 Références

SKRABANEK P, Mc CORMICK J.
Idées folles, idées fausses en médecine.
Editions Odile Jacob (Paris) 1989 ; pp 207.

BROAD W, WADE N.
La souris truquée. Enquête sur la fraude scientifique.
Editions du Seuil (Paris) 1987 ; pp282.

ABOTT A. Science comes to terms with the lessons of fraud.
Nature 1999 ; 398 : 13-17

NINIO J. La science des illusions.
Editions Odile Jacob (Paris) 1998 ; pp 204.

BONNAURE P. Un serpent de mer : la politique de recherche.
Futuribles (Mars) 1995 ; 41-62.

FERRIMAN A. Drug companies critisized for exageration.
BMJ 1999 ; 318 : 962.

DE SALINS A. Pour une éthique de la Finance.
Projet 1999 ; 257 : 111-120.  

6 Ethique et Internet

P.Y. ALLAIN Université de Paris I. Panthéon Sorbonne

6.1 Bases de réflexion

Il est courant de qualifier les sociétés développées contemporaines de "sociétés de l'information". Ces sociétés se caractérisent en effet par un recours généralisé aux nouvelles technologies, et par un accroissement des flux d'informations. L'apparition et la démocratisation d'Internet illustrent parfaitement cette évolution.

De fait, Internet est :

Internet offre notamment la possibilité de diffuser et de collecter l’information.

D'une manière générale, on constate que la science et le nouvelles technologies ont considérablement amélioré les conditions de vie des hommes. Mais parallèlement, elles ont engendré des situations nouvelles, pouvant menacer les intérêts et la vie privée des individus.

Ce constat explique en partie la remise en cause régulière de l'idée de progrès des sciences, et la volonté de contrôler les progrès technologiques.

6.2 Applications

Internet présente ces deux facettes (positive et négative) du progrès en matière scientifique.
Ainsi, ce type de réseau peut entraîner une simplification et une amélioration des échanges d’informations (travail en groupe, recherche, télémédecine, etc …). Il permet également une rationalisation de la gestion de l'information, par l'intermédiaire par exemple de base de données.

Mais ces avantages doivent être tempérés, du fait des dérives qui peuvent être associées aux réseaux ouverts, notamment en ce qui concerne les informations personnelles.

A titre d'exemple, on peut citer le Réseau Santé Social (Intranet) qui à terme mettra en relation plus de 80 000 professionnels du monde médical (médecins, caisses d’assurances maladies et de sécurité sociales …) et leur permettra d'accéder rapidement au dossier médical d'une personne. Ce réseau, conçu pour faciliter et accélérer la gestion du système de santé français, ainsi que pour en réduire les coûts présente de graves dangers pour les individus. En effet, ce réseau repose sur une gigantesque base de données recensant l'ensemble ou presque de la population française.

Le danger n'est pas tant la constitution de la base de données mais l'utilisation qui en est faite, et le couplage des données avec celles d'autres fichiers.
Ex. : Aux Etats-Unis, des fichiers de malades du cancer ont pu être vendus à une compagnie d'assurances

Le fichier du code génétique de la population islandaise a été vendu pour une poignée de dollars à une société américaine.
En France, on a connu le cas d'un réseau informatique qui amenait des pharmaciens à transmettre des données à une société informatique, chargé de fournir de leur fournir des analyses statistiques. Mais cette société informatique utilisait également (à l'insu des pharmaciens) ces données à des fins commerciales auprès de l'industrie pharmaceutique, sans que soit respecté l'anonymat des prescripteurs.
Le risque consiste donc en une utilisation anarchique et non contrôlée de fichiers contenant des données sensibles.

6.3 Interrogations

Deux questions peuvent se poser :
Est-il possible d'exercer un contrôle sur ces flux d'informations, et dans l'affirmative, sur quelles fondements juridiques et éthiques ?
A qui confier ce contrôle des flux d'informations, de plus en plus transnationaux ? A des comités d'éthique, à des organisations internationales, aux citoyens … ?

6.4 Commentaires

Notre société évolue vers une société de fichage. D’où l’importance de garanties dans le traitement des données (notamment médicales) du droit de contrôle des informations par l’individu, et le droit d’opposition permettant de s’opposer à une utilisation abusive des données personnelles.

Ainsi en France, la gestion des fichiers informatiques recensant les malades atteints du SIDA a fait l'objet de recommandations strictes tenant au contenu des informations, à l'accès à ces informations sensibles …
Les questions qui se posent sur Internet ne diffèrent pas fondamentalement de celles qui se posaient avant l’apparition de ces technologies : respect de la personne humaine, de sa vie privée …
En revanche, les risques associés à ces nouvelles technologies ne doivent pas aboutir à une non utilisation des technologies. Doit-on condamner le support de diffusion sous prétexte que l’information est fausse ou diffamatoire ? Non, car cela s’apparente à de la censure de tout le reste.

6.5 Bibliographie

Allain PY, Schück S, Beaufils C, Zekri O, Ganilsy M, Allain H.
Médicaments et Internet : un enjeu de santé publique.
La Presse Médicale 1998 ;27 : 117-21

Le droit du multimédia, de la télématique à Internet (sous la direction de Pierre HUET), Etude de l'AFTEL, ED. du Téléphone, p. 181-200

Michel TERESTCHENKO,
Philosophie politique, t. 2 (Ethique, science et droit), Hachette, coll. Les Fondamentaux, chap. 6 (La civilisation technologique et les nouvelles exigences éthiques), p. 107 à 123

http://www.univ-paris1.fr/DEA-DAE

7 L'ethique et la sécurité

E. POLARD Pharmacovigilance - Université de Rennes I

7.1 Bases de réflexion

Il est intuitif de postuler que la recherche doit éviter d'exposer le sujet à tout risque et de lui infliger des conséquences délétères, corporelles ou psychologiques, au nom de la Science. Ce postulat est à la base du Respect de la Personne et de la dignité humaine.

Or la Recherche Clinique ne peut, toujours par définition, éliminer le risque puisqu'elle vise en théorie à répondre à une question non résolue jusqu'alors. Il est nécessaire d'envisager la question de la sécurité dans le cadre d'une recherche en terme de procédures ou techniques envisagées, lieu et conditions de réalisation de l'étude, qualification de l'équipe de recherche, éléments de surveillance et de détection de la sécurité, degré de connaissances théoriques (le background). La science du risque est la cyndinique ; en pharmacologie on pourra parler de pharmacovigilance prévisionnelle.

7.2 Exemples de réflexion

La démarche éthique vis à vis de la sécurité doit être anticipatoire et préventive. Elle se heurte systématiquement au principe d'incertitude (d'où les modèles statistiques inhérents à cette approche).

A l'inverse, sur un plan psychologique, l'enthousiasme, la croyance, la "fureur de guérir ou de comprendre", l'utopie constituent autant de risques à minimiser l'évaluation de la sécurité en Recherche Clinique ou même à ignorer les stratégies et les techniques déjà existantes (ex : la Pharmacovigilance).

De manière automatique le questionnement éthique concerna la douleur, le traumatisme physique et moral, les fonctions vitales (coeur, poumon, coagulation).

Plus difficile sera d'envisager le risque à long terme d'une procédure se révelant efficace et sans danger durant le temps de l'évaluation (ex : neurostimulation sous-thalamique et maladie de Parkinson ; implant de neurones foetaux et maladie de Parkinson ; médicaments et cancérogénèse ...).

Même en recherche clinique, le réflexion iatrogénique doit être constante.

7.3 Interrogations

Conditions de réalisation des études de Phase I dont l'objet est principalement d'analyser le profil de sécurité d'un produit.
Attitude devant la découverte d'anomalies ou d'une maladie chez le volontaire sain (ex : IRM systématique et suspicion d'une SEP ; virus HIV ...)
Attitude devant un administratif qui freine le développement des biovigilances.
Ethique du médecin praticien qui ne déclare pas à la pharmacovigilance (véritable acte de Recherche Clinique, sur le terrain) les accidents médicamenteux qu'il observe (principe de la notification spontanée).
Publicité comparative (en fonction des effets indésirables) de thérapeutiques concurrentes.
Conséquences Psychiatriques et Sexuelles d'une Recherche Clinique.

7.4 Commentaires

Le manque à la sécurité et à son énonciation (en particulier lors de l'obtention du consentement libre et éclairé) est une atteinte à l'éthique.
Ce débat est à la base de nombre de procès.
La principale cause de non réalisation d'une recherche chez l'homme est l'entorse à l'éthique de la Sécurité.
Ce chapitre illustre mieux que tout autre l'intrication : Ethique/Loi/Déontologie/Réglementation, Information (TABLEAU VI).
De nombreux guides dont le plus récent émanant du Council for Internationale Organizations of Medical Sciences (CIOMS) viennent épauler tout chercheur.

7.5 Références

O. DACUNHA-CASTELLE.
Les chemins de l'aléatoire : le hasard et le risque dans la société moderne.
Flammarion (Paris) 1997 pp

ETCHEGOYEN A.
La vraie morale se moque de la morale. Etre responsable.
Editions du Seuil (Paris) 1999 pp 226.

ALLAIN H., SCHUCK S., ZEKRI O.
Les effets indésirables des médicaments.
Angéiologie 1997 ; 49 : 54-64.

ALLAIN H., SCHUCK S., ZEKRI O.
La pharmacovigilance et la pharmacoépidémiologie.
Angéiologie 1997 ; 49 : 71-85.

PELOUZE G.A.
L'érection pharmacologique.
Angéiologie 1997 ; 49 : 34-44.

QUENEAU P., MANTZ J.M., GRANDMOTTET P., SCHRUB J.C.
Ethique et Iatrogénie : comment diminuer la iatrogénie évitable.
In : Ethique et thérapeutique. J.M. Mantz, P. Grandmottet, P. Queneau.
Presses Universitaires de Strasbourg 1998 : 65-80.

ANDORNO R.
La bioéthique et la dignité de la personne.
Presses Universitaires de France. Médecine et Société. 1997 : pp 127.

WEEKES L.M., DAY R.D.
The application of adverse drug reaction data to drug choice decisions made by pharmacy and therapeutics committees.
Drug Safety 1998 ; 18 : 153-159.

SCHUCK S., ALLAIN H.
La douleur. Moyens et stratégies thérapeutiques.
La Revue du Praticien 1997 ; 47 : 555-569.

C.I.O.M.S.
Guidelines for preparing core clinical safety information on drugs. Second Edition.
C.I.O.M.S. Genève (Suisse) 1999 : pp 98.

 
LES 7 POINTS FORTS ETHIQUES FACE A LA SECURITE
1. ANALYSE DES STRUCTURES DE REALISATION DE L'ETUDE 

2. LES PROCEDURES DE SECURITE (SOP) 

3. RISQUE SOMATIQUE/RISQUE PSYCHOLOGIQUE 

4. DOULEUR 

5. CONSEQUENCES A LONG-TERME 

6. PARTICIPATION A LA PHARMACOVIGILANCE 

7. INFORMATION (Recueil ; Dissémination)  

8 Ethique, recherche médicale et religion

H. ALLAIN Pharmacologie Université de Rennes I

8.1 Bases de la réflexion

Procéder à des études et des expérimentations chez l'être humain, donc sur l'Autre (alterego) interroge notre propre histoire, notre éducation, notre milieu et notre lien (religion) à l'Autre. La Recherche Clinique, en symétrique, ne peut faire abstraction de l'histoire, de la foi, de la religion du sujet volontaire sain ou malade. Les objectifs, immédiats ou lointains, de la recherche entreprise ne sont pas nécessairement partagés par les deux protagonistes (l'expérimentateur/ le sujet à l'étude). Le Respect de la Personne et l'Absence d'atteinte à la dignité de l'Autre impliquent une connaissance et un respect mutuels des valeurs, des croyances, de la foi d'autrui. Ces mêmes entités, souvent de manière implicite (inconsciente) guident le chercheur lui-même et dirigent sa quête de recherche, sa pratique médicale et ses conduites dans le champ de la santé publique.

Parallèlement, la mondialisation de la recherche clinique, le poids des communautés éthniques différenciées dans les villes, le métissage (voir : S. Gruzinski, "La pensée métisse", Fayard 1999 pp 345), la diversité des religions à l'échelon planétaire, la forte proportion d'acculturation religieuse dans les pays occidentalisés conduisent à des incompréhensions, à des rejets de recherches, à des difficultés de relation qui dépassent le culturel, le social ou le folklorique (Thomasset A., La tradition catholique face au pluralisme éthique. Projet 1998 ; 255 : 77-88). " Le débat religion/éthique/santé publique peut sembler théorique. Imaginons que l'on ait à réfléchir sur le financement par la Sécurité Sociale de rites religieux réalisés à l'hôpital [circoncision pour la judaïcité ; excision selon certaines conceptions culturelles ou religieuses (?)] ou à l'inverse sur l'intérêt économique (pour les hôpitaux) de l'interdit de l'avortement ? Réponses ?

La complexité du sujet (voir l'Histoire des Religions dans la collection "la Pléïade") conduit l'universitaire à une dissection des questions posées par l'Interface Ethique/ Recherche Clinique, en morale agnostique et morales religieuses, approche adoptée dans l'ouvrage maintes fois mentionné dans ce cours (Référence 8, du Conseil de l'Europe). Vouloir imposer une vision monoidéïque à la question soulevée ou niveler la planète à une conception monovalente des relations éthique/recherche médicale relève du mythe, du puérile ou de l'ignorance (en anthropologie, en théologie, en sociologie, en linguistique et en psychologie différentielle).

8.2 Exemples de réflexion

1. Nous prendrons dans un premier temps de discussion la position de l'Eglise Catholique face précisément à l'innovation et la recherche médicale. Le texte ci-joint (hypertexte) correspond à une communication de P. VERSPIEREN S.J. faite au colloque du Centre Sèvres (Paris). L'étudiant saisira en quoi la Dignité possède un fondement religieux et dans la même perspective en quoi la Personne ne peut être sacrifiée à la Collectivité. La référence (DC, 1952, 1131, col 1225) vient démontrer sur un plan quasiment historique comment la réflexion catholique sur l'expérimentation médicale a pu anticiper l'ensemble des débats actuels.

2. Des textes supplémentaires viendront illustrer les points communs voire les divergences selon différentes autres religions.

9 Un exemple de l'entorse à l'éthique : la médecine nazie

H. ALLAIN Pharmacologie - Université de Rennes I

(en cours de rédaction)

Références

KLEE E. La médecine nazie et ses victimes.
SOLIN - Actes Sud (ARLES) 1999 pp 482.

MULLER-HILL B. Science Nazie, Science de Mort, l'extermination des Juifs, des Tziganes et des malades mentaux de 1933 à 1945.
Editions Odile Jacob (Paris) 1989 pp  

10 Figures libres

H. ALLAIN Pharmacologie - Université de Rennes I

Une controverse persiste sur les "techniques" d'enseignement, de formation ou d'initiation à l'éthique. La discussion de cas, sur le terrain, semble l'idéal. C'est l'option de la référence 8 (réseau européen "Médecine et droits de l'homme", éditions du Conseil de l'Europe), à laquelle nous emprunterons clairement le plan de discussion à respecter, pour chaque cas :

1. Plan juridique international.

2. Plan éthique.

3. Plan des morales religieuses (catholique, protestante, juive, musulmane, bouddhiste).

4. Plan de la morale agnostique. 

11 Ethique et pathologie tropicale

J.C. BEAUCOURNU - C. GUIGUEN  Parasitologie  Université de Rennes I

11.1 Bases de réflexion

La pathologie tropicale est un domaine où l’éthique médicale est en première ligne oscillant entre le principe de bienfaisance (par définition le médecin souhaite, par tous les moyens, l’éradiquer) et les erreurs (tenant à l’ignorance où nous restons des pays et des populations où elle sévit en priorité). Quelques chiffres permettent de justifier une intensification de la recherche médicale (prophylaxie, pharmacologie, santé publique, information et responsabilisation du " voyageur "...) : en 1997, par exemple, environ 5700 cas de Paludisme ont été importés en France et ont impliqué des traitements, des arrêts de travail, des hospitalisations, des décès (sachant qu’une prophylaxie existe même si elle n’est pas efficace à 100 %). Des chiffres encore plus parlants concernent le SIDA, en évoquant, en premier chef, le continent Africain. L’ampleur du questionnement moral lié à la pathologie tropicale est aisément perçu non seulement à travers les fréquentes migrations ou l’installation de communautés ethniques importantes dans les cités européennes mais encore par le triste constat des efforts entretenus pour ne pas lutter contre ces pathologies (augmentation du déséquilibre avec les pays dits de rêve). Parmi ces entorses à l’éthique ou l’absence totale d’éthique, citons :

1) Le " déversement " de surplus tels le lait en poudre dans les pays où l’eau est polluée (avec effet parallèle de l’abandon de la lactation maternelle), la vente, via de multiples circuits, de viande suspecte d’encéphalite spongiforme ou encore la promotion en Europe de thérapeutiques exotiques (naturelles) non évaluées et souvent toxiques.

2) Le tourisme s’exerçant aux dépens de pays émergents : 1) miroir aux alouettes pour les démunis visités ; 2) prostitution morale (mendicité, pseudo-folklore pour touristes ...) ; 3) exploitation de main-d’oeuvre (notamment d’enfants) pour satisfaire le touriste ; 4) tourisme sexuel (aujourd’hui condamné au niveau international) ; 5) désinformation ou complicité de certaines agences de voyage des pays du Nord.

11.2 Exemples de réflexion

Face aux endêmies tropicales plusieurs chapitres extrêmement diversifiés doivent inciter à la réflexion.

11.2.1 L’industrie pharmaceutique

Le marché des pays émergents est souvent peu solvable, ce qui n’incite guère à développer des produits visant en priorité ces pays et ces pathologies. L’exemple du DFMO est à retenir, médicament découvert par hasard (serendipity) très efficace contre la Trypanosomiase Africaine et qui malgré ce bénéfice thérapeutique a été à deux doigts d’être retiré du marché en raison de l’environnement pharmaco-commercial " décrit par LAPEYSSONNIE (HYPERTEXTE). Un autre exemple concerne les vaccinations (évaluation de leur efficacité ou de leur sécurité ; conditions d’administration ; éducation sanitaire ...). Enfin la recherche médicamenteuse vis à vis du paludisme résistant est peu intense.

11.2.2 Les organisations non gouvernementales (ONG)

Par définition les ONG sont animées par la bonne volonté et l’altruisme. Souvent, à l’inverse, les volontaires (au coup par coup) n’ont qu’une faible formation psychologique voire anthropologique et souvent imposent diagnostic, traitement, mesures sanitaires, sans tenir compte des coutumes, des tabous, des religions et sans tenter de pénétrer la conscience de ces patients en apprenant ne serait-ce que quelques mots de leur langue (les vieux médecins coloniaux commençaient à apprendre la langue indigène ; en Europe, ce son souvent les médecins de même ethnie qui " s’occupent " d’une communauté).

11.2.3 Le médecin métropolitain

Par définition encore et selon les précepts du serment d’Hippocrate, le médecin est dévoué ; mais est-il informé des conséquences de la pathologie exotique qu’elle soit le fait d’un émigré ou d’un voyageur ?

11.2.4 Le voyageur

Aujourd’hui c’est un devoir moral pour le voyageur que de s’informer sur les maladies transmissibles et les risques de pathologie tropicale. Il arrive que son médecin déconseille formellement un déplacement (cas fréquent pour l’enfant en bas âge) : " impossible, mes billets sont déjà achetés! ".

11.3 Interrogations

- Information du médecin sur la pathologie tropicale.

- Nécessité d’une ouverture à l’Autre, à l’Etranger.

- Mesures prises par le médecin pour améliorer la compliance du voyageur (futur malade et agent de contamination ?) aux moyens prophylactiques ?

- Chaîne complexe des " acteurs " de santé impliqués dans la pathologie tropicale.

 

PRINCIPES D’ETHIQUE

BIENFAISANCE 

COMPASSION 

RECIPROCITE / JUSTICE 

MODESTIE 

RESPONSABILITE 

VERITE 

 

" ... La découverte de nouvelles molécules actives ne peut être le fait que des grandes sociétés pharmaceutiques. Or, celles-ci ne consentiront les efforts techniques et financiers nécessaires à cette recherche, que si elles sont assurées d’un marché vaste et productif, ce qui n’est pas toujours le cas des pays du Tiers-monde. Par ailleurs les conditions de plus en plus draconiennes imposées à l’expérimentation humaine entravent le développement de la recherche dans ses stades terminaux. Aux Etats-Unis, avant 1962, les nouvelles molécules induites sur le marché étaient de 41,5 par an en moyenne ; dans les huit années suivantes ce nombre est tombé à 16,1, et bien peu d’entr’elles concernaient ces maladies transmissibles qui ont cessées d’être le souci de nations avancées d’où émane précisément l’effort de recherche ".

12 Ethique et recherche en chirurgie

B. Launois  Chirurgie Digestive Transplantation  Université de Rennes I

12.1 Base de réflexion

12.1.1 La recherche expérimentale ou fondamentale

La recherche en chirurgie évolue dans quatre domaines : La recherche expérimentale ou fondamentale ; La recherche technologique et pharmacologique ; La recherche clinique
La recherche expérimentale ou fondamentale

Elle a pour but d’expérimenter chez l’animal des domaines qui pourront être appliqués chez l’homme, notamment sur le plan physiologique ou immunologique. A ce stade, l’éthique du chercheur chirurgien doit faire en sorte qu’aucun reproche ne puisse être fait sur le plan de l’expérimentation vis-à-vis de l’animal (qualité de l’anesthésie par exemple). Cette éthique doit empêcher la reproduction d’expérience sans application pratique, et sans conclusion scientifique c’est-à-dire sans publication.

12.1.2 La recherche technologique ou pharmacologique

Elle est sous la dépendance des lois du marché. L’éthique doit veiller à ce que le marché ne transgresse pas les règles d’une utilisation abusive des produits de cette recherche. Indirectement la chirurgie des greffes et transplantations a initié la recherche pharmacologique sur les substances "anti-rejet" (ciclosporine, tacrolimus …).

12.1.3 La recherche clinique

Elle s ulevé à chaque étape un questionnement’organes sans autorisation du "de cujus pour obtenir un don d’organe "volontaireoi Caillavet rappelant que le "donneurpape a été une reconnaissance "de factole des essais randomisés

La randomisation en chirurgie peut surprendre. Elle a surtout permis de tester les thérapeutiques et d’éliminer les thérapeutiques inutiles. Ainsi l’utilisation systématique de la radiochimiothérapie préopératoire dans le cancer de l’œsophage s’est avéré inutile après une étude randomisée supprimant une action iatrogène et un coût économique considérable.

12.2 Interrogations

Le consensus doit-il être obtenu pour la mise en route d’une nouvelle technique chirurgicale (transplantation de donneur vivant, de xénogreffe) ?
Est-il licite de débuter une nouveauté technologique chez l’homme en absence d’expérimentation possible (cœlioscopie) ?