L’APPAREIL DIGESTIF
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4) L'estomac

L'estomac est la partie dilatée du tube digestif; en forme de besace, il mesure environ 25 cm de haut sur 10 cm de diamètre.

La nourriture ingérée y séjourne deux à trois heures en moyenne et y subit un morcellement mécanique et chimique qui aboutit à la formation du chyme, bouillie acide dans laquelle les molécules alimentaires sont en solution ou en suspension.

Le suc gastrique est composé d'eau, d'électrolytes, d'acide chlorhydrique*, de pepsine et de mucine.

* la protection de la paroi contre l'acidité (pH 1,5 à 3,5) est assurée par trois facteurs : une couche épaisse de mucus, la présence de jonctions serrées entre les cellules, empêchant la pénétration du suc gastrique dans la paroi, et le remplacement cellulaire rapide.

Anatomiquement (schéma n°7), l'estomac comporte quatre régions : la grosse tubérosité, le corps, le fond et l'antrum.

Au repos, la surface interne de l'estomac est marquée par des plis profonds longitudinaux qui permettent une distension importante de la paroi au cours du repas; un examen plus minutieux révèle la présence de fins sillons délimitant des petites fossettes de quelques millimètres appelées cryptes gastriques .

Sur le plan histologique :

- il existe deux types de muqueuses : la grosse tubérosité, le corps et le fond de l'estomac sont tapissés par la muqueuse fundique alors que l'antrum est tapissé par la muqueuse pylorique; la muqueuse fundique (schéma n°8) comporte des cryptes larges et peu profondes et de longues glandes en tubes droits, les glandes fundiques, alors que la muqueuse pylorique a des cryptes étroites et profondes et des glandes en tubes contournés, les glandes pyloriques

- la musculeuse diffère du schéma classique par l'existence de trois couches : une couche interne formée de fibres musculaires lisses obliques, une couche moyenne circulaire et une couche externe longitudinale; cette hypertrophie de la musculeuse s'explique par son rôle important dans le brassage des aliments, en plus du péristaltisme, fonction commune à toutes les régions du tube digestif

- les autres couches sont semblables au schéma de base avec une mucularis mucosae en deux plans, une sous-muqueuse sans glandes, une séreuse mince.

La diapositive n°28 ( fg ) montre une coupe transversale de la paroi au niveau du corps de l'estomac; on y repère la muqueuse (MUQ), la sous-muqueuse (SM) bien vascularisée, la couche musculaire oblique (CMO) épaisse, la couche musculaire circulaire (CMC) et la couche musculaire longitudinale (CML) beaucoup plus mince.

La muqueuse fundique

- les cryptes (schéma n°9) sont tapissées par un épithélium prismatique simple constitué de cellules à mucus fermées*; ces cellules sécrètent du mucus qui recouvre la surface gastrique d'un film de 1 à 1,5 mm d'épaisseur protégeant la muqueuse contre l'acide chlorhydrique et empêchant l'autodigestion cellulaire par les enzymes digestives

* le terme de cellules à mucus fermées indique la présence de bandelettes de fermeture ( images de microscopie optique <= complexes de jonction en microscopie électronique) très utiles dans la protection de la paroi gastrique

- les cellules du collet sont situées au fond des cryptes, à l'abouchement des glandes fundiques (une à huit glandes par crypte); elles sont un peu moins hautes que les cellules à mucus fermées auxquelles elles ressemblent; outre un rôle sécrétoire de mucus, elles assurent le renouvellement des cellules en 3 à 5 jours

- les glandes fundiques sont longues, en tube droit, très nombreuses et serrées; elles comportent trois types de cellules dont deux sont reconnaissables en technique courante (schéma n°9), les cellules principales et les cellules bordantes. Les cellules principales, basophiles, polyédriques, rectangulaires en coupe, ont un noyau ovalaire situé au pôle basal; leur pôle apical contient des grains de zymogène, le pepsinogène, proenzyme inactif qui se transformera en pepsine active dans la cavité gastrique, en milieu acide ; la pepsine est une enzyme protéolytique qui scinde les protéines en polypeptides. Les cellules bordantes ou cellules pariétales sont moins nombreuses, acidophiles, globuleuses, à noyau arrondi central, avec un pôle apical très étroit s'insinuant entre les cellules pariétales et un pôle basal large s'appuyant contre la membrane basale qu'il déforme; les cellules bordantes sécrètent l'acide chlorhydrique qui assure le morcellement chimique des aliments, les préparant à la digestion protéique; ces cellules sécrètent aussi le facteur intrinsèque de Castle* (glycoprotéine), facteur nécessaire à l'absorption de la vitamine B12 au niveau de l'iléon . Les cellules endocrines, troisième type cellulaire des glandes fundiques, sont mises en évidence par des techniques d'immunocytochimie; elles sont situées au fond des glandes et s'intercalent entre les cellules exocrines; elles présentent un pôle apical étroit sans communication avec la lumière glandulaire et un pôle basal bombé rempli de grains de sécrétion qui traversent la membrane basale et se déversent dans les tissus avoisinants et/ou dans les capillaires du chorion (action à distance); il existe des cellules à sérotonine qui interviennent dans la contraction des fibres musculaires lisses de la paroi stomacale et des cellules à glucagon.

*l'absence du facteur intrinsèque, remarqué le plus souvent dans la gastrite atrophique (manque de cellules principales et de cellules bordantes), entraîne une anémie, l'anémie de Biermer ou anémie pernicieuse car la vitamine B12 est indispensable à la formation des globules rouges; l'anémie de Biermer peut être aussi une maladie autoimmune car il a été démontré l'existence d'anticorps anti-cellules pariétales.

Sur les diapositives suivantes, on observe :

diapositive n°29 ( mg ) les cryptes (CR), les glandes fundiques (GF), la muscularis mucosae (Mm) et des vaisseaux sanguins (V)

diapositive n°30 , prise à un grossissement supérieur, les glandes fundiques (GF), un capillaire (ca) contenu dans le chorion et la muscularis mucosae (Mm) avec ses deux plans de fibres musculaires lisses

diapositive n°31 ( FG ) les cellules à mucus fermées (CmF) au niveau de l'épithélium de surface et d'une crypte (CR) avec un noyau ovalaire au tiers inférieur de la cellule et un pôle apical clair verdâtre bourré de mucus

diapositive n°32 ( FG ) les cellules à mucus fermées colorées par une autre technique; en bas et à gauche, la coupe transversale du pôle apical de ces cellules donne une image en "nid d'abeille" illustrant leur forme hexagonale

diapositive n°33 ( FG ) les cellules pariétales basophiles (CP), les cellules bordantes acidophiles (CB) et la lumière glandulaire (L) très étroite

diapositive n°34 ( FG ) la partie profonde des glandes fundiques (GF), les deux plans de la muscularis mucosae (coupe transversale de la paroi ) : la couche interne circulaire (CC) et la couche externe longitudinale (CL) ; de la couche interne, se détachent des fibres musculaires lisses (fml) qui se glissent entre les glandes; ces fibres, par leur contraction, favorisent le contact de l'épithélium avec les aliments et aident à l'excrétion dans la cavité gastrique des produits sécrétés par les cellules glandulaires (sécrétion exocrine).

Le schéma n°10 reprend l'étude d'une glande fundique avec l'aspect ultrastructural de trois types cellulaires : les grains de mucus au pôle apical des cellules à mucus fermées ; le puits villeux, étroit canal s'ouvrant dans la lumière glandulaire et s'épanouissant en de nombreux canalicules dans la cellule bordante; la richesse en mitochondries de cette cellule permet les nombreux échanges ioniques nécessaires à la formation de l'HCl; la cellule principale se révèle très riche en ergastoplasme, signe de sa synthèse protéique, le pepsinogène.

La diapositive n°34bis (g = 10000) montre l'ultrastructure d'une cellule bordante (CB) avec le puits villeux (Pv), les canalicules (ca), les mitochondries abondantes (M); de part et d'autre de la cellule bordante, des cellules principales (CP).

La muqueuse pylorique

Elle comporte des cryptes étroites et profondes et des glandes en tube contourné (schéma n°8); ces glandes sécrétent du mucus; elles sont espacées dans le chorion interglandulaire, contrairement aux glandes fundiques très serrées, laissant peu de place au chorion; deux diapositives illustrent cette muqueuse :

diapositive n°35 ( mg ) les cryptes (CR), les glandes pyloriques (GP), la muscularis mucosae (Mm) faiblement colorée, la sous-muqueuse (SM) bien vascularisée (V)

diapositive n°36 (prise à un plus fort grossissement) les cryptes (CR), les glandes pyloriques (GP)* , l'infiltration lymphocytaire (L) du chorion.

* noter l'aspect très différent des deux types de cellules sécrétant du mucus, les cellules des cryptes déja décrites et les cellules des glandes; la coupe des tubes contournés donne un aspect voisin des acinus muqueux (lumière large, cellules claires, noyau aplati au pôle basal).

Des techniques immunocytochimiques mettent en évidence, entre les cellules glandulaires muqueuses, la présence de cellules endocrines, notamment des cellules à gastrine, hormone polypeptidique, au rôle primordial dans la stimulation de l'activité gastrique : stimulation de la sécrétion de pepsine et d'acide chlorhydrique, augmentation de la motricité gastrique; il existe aussi des cellules à somatostatine.

Les pathologies les plus fréquentes de l'estomac sont les gastrites, inflammations aigües ou chroniques de la muqueuse. Les ulcères gastriques (situés le plus souvent au niveau de l'antrum) débutent par des lésions ou ulcérations localisées dans la muqueuse; ces ulcérations se cicatrisent ou s'étendent en profondeur dans les autres couches de la paroi => les ulcères peuvent devenir perforants, entraînant une péritonite ou une hémorragie cataclysmique souvent fatale. Les causes des gastrites et des ulcères sont multiples : hypersécrétion d'acide chlorhydrique ou de gastrine, alcool, tabac, médicaments anti-inflammatoires, stress, agents infectieux (particulièrement une bactérie, l'hélicobacter pylori). Les traitements sont selon les cas : un régime sans épices et sans alcool, des pansements gastriques, des médicaments antisécrétoires (anti-HCl, antigastrine), des anxiolytiques. Une surveillance gastroscopique s'impose en raison du potentiel évolutif en cancer de l'estomac.

Le système endocrinien gastro-intestinal

Les cellules endocrines du tube digestif constituent le système endocrinien gastro-intestinal; elles ont été repérées depuis longtemps comme "cellules claires" en technique de coloration courante, puis individualisées en cellules argentaffines, argyrophiles, chromaffines par des techniques de fixation-coloration aux sels de métaux (sels d'argent, de chrome, de plomb); la microscopie électronique a permis une analyse structurale précise (forme cellulaire, richesse en ergastoplasme et/ou en réticulum endoplasmique, appareil de Golgi volumineux, aspect des grains de sécrétion); cependant c'est avec l'avènement de l'immunohistochimie qu'on a pu parfaire la relation spécifique "cellule-molécule sécrétée".

Elles appartiennent au système endocrinien diffus SED, vaste domaine de cellules endocrines éparpillées dans tout l'organisme (poumons, testicules, ovaires, reins) par opposition aux glandes endocrines anatomiquement bien individualisées (hypophyse, épiphyse, thyroïde, parathyroïdes, surrénales, pancréas). Classiquement, les glandes endocrines sécrètent des messagers chimiques (généralement des hormones) transportés par le sang (milieu intérieur) vers des cellules cibles situées à distance et pourvues de recèpteurs spécifiques; cependant la sécrétion des cellules endocrines peut passer dans le milieu interstitiel vers des cellules cibles situées à proximité (il s'agit de sécrétion paracrine) ou dans des terminaisons nerveuses (il s'agit de sécrétion neurocrine).

Un certain nombre de cellules du SED sont des cellules du système APUD de Pearse, cellules capables de capter les précurseurs des amines biogènes et de les décarboxyler (Amine Precursor Uptake and Decarboxylation). Elles sécrètent des hormones polypeptidiques et/ou des amines biogènes dont certaines sont des neurotransmetteurs. L'origine embryonnaire de ces cellules est neurectoblastique, à partir des crêtes neurales, tout comme les neurones; on parle de cellules neuro-endocrines.

Actuellement, la séparation entre les deux grands régulateurs du fonctionnement de l'organisme - le système nerveux et le système endocrinien - ne peut être maintenue : il existe des molécules à double rôle, neurotransmetteur et hormonal ; des médiateurs chimiques sécrétés par des cellules du TD, tels que la gastrine, la cholécystokinine (CCK), le VIP (vasoactive intestinal peptide), la substance P, la bombésine ont été décelées dans le cerveau et, inversement, la somatostatine et la sérotonine connues comme neurotransmetteurs sont retrouvées dans le TD; l'hypothalamus, outre sa fonction de messager nerveux, se comporte comme une glande endocrine envoyant des hormones à l'hypophyse.

Cependant, toutes les cellules du SED n'appartiennent pas au système APUD et ne sont pas des cellules neuro-endocrines; certaines ont une origine endoblastique ou mésoblastique; les cellules endocrines du SED peuvent provenir des trois feuillets embryonnaires comme les cellules des glandes endocrines : l'hypophyse a une double origine neurectoblastique (expansion ventrale du diencéphale) pour la post-hypophyse et endoblastique (poche de Ratke, toit de la future cavité buccale) pour l'antéhypophyse ou adénohypophyse; il en est de même pour la surrénale avec la médullosurrénale (sorte de ganglion nerveux) provenant des crêtes neurales et la corticosurrénale provenant du mésoblaste.

Les études immunocytologiques et biochimiques concernant le SED sont loin d'être terminées et le nombre des polypeptides découverts ne cesse de croître.

 

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