L’APPAREIL DIGESTIF
Page 8

Les fonctions métaboliques de l'hépatocyte

- les sucres (schéma n°24) : la fonction glycogènique du foie assure le maintien d'une glycémie normale (taux normal de glucose sanguin = 1gr par litre); selon les besoins de l'organisme, le glucose sanguin est stocké* dans l'hépatocyte sous forme de glycogène (glycogènogenèse) et, inversement, le glycogène intracellulaire peut être catabolisé (glycogènolyse) en glucose libéré dans le sang; ces mécanismes biologiques sont régulés par des hormones : l'insuline, hormone hypoglycémiante, stimule la glycogènogenèse alors que le glucagon, hormone hyperglycémiante, favorise la glycogènolyse. La néoglucogenèse est la capacité de transformer les protides (acides aminés) et les lipides (acides gras) en glucose

- les lipides (schéma n°25) : l'hépatocyte transforme les chylomicrons en lipoprotéines plasmatiques circulant librement dans le sang et assimilables par les tissus de l'organisme; à partir des lipides provenant des chylomicrons et des acides gras apportés par la veine porte, il fabrique des "lipides de structure" pour son propre compte, mais aussi des lipides utiles à l'organisme, "lipides de réserve" * et cholestérol ; ce dernier circule librement dans le sang et sous forme conjuguée dans la bile; les phénomènes de conjugaison ont lieu dans le réticulum endoplasmique lisse (REL)

- les protides (schéma n°24) : les acides aminés puisés dans les capillaires (<= veine porte) permettent à l'hépatocyte d'assurer la synthèse de nombreuses protéines, des protéines de structure et surtout des protéines excrétées au pôle vasculaire comme l'albumine, des facteurs de coagulation tels que le fibrinogène et la prothrombine; ces mécanismes ont lieu dans le réticulum endoplasmique granuleux (REG) et dans l'appareil de Golgi; contrairement à la libération sur demande des glucides et lipides, la sécrétion des protéines est un phénomène continu. La désamination des acides aminés (rôle de détoxication du REL) entraine la formation d'urée transportée par voie sanguine jusqu'aux reins.

- les acides biliaires : l'hépatocyte synthétise les acides biliaires, essentiellement l'acide cholique à partir du cholestérol, et les conjugue (dans le REL) à des acides aminés tels que la glycine et la taurine, pour former les acides glycocholique et taurocholique; cette néosynthèse concerne environ 10% des acides biliaires, 90% étant rapportés sous forme libre dans le sang de la veine porte et reconjugués dans l'hépatocyte pour retourner dans la bile (cf. ci-dessous).

* l'hépatocyte stocke les glucides et les lipides (fournisseurs d'énergie) qu'il libère en fonction des demandes de l'organisme

La fonction antitoxique de l'hépatocyte : outre la formation de l'urée précédemment citée, l'hépatocyte permet la détoxication de nombreuses substances grâce à des mécanismes biologiques de conjugaison (dans le REL); les conjugaisons des produits toxiques se font soit avec l'acide glycuronique (glycuroconjugaison) soit avec des ions sulfate (sulfoconjugaison); ainsi sont neutralisés divers médicaments (ex. les barbituriques), les stéroïdes (hormones génitales); l'hépatocyte assure aussi la glycuroconjugaison des pigments biliaires (essentiellement la bilirubine) produits par les cellules de Küpffer et les macrophages bordants de la rate, déchets de l'hémoglobine évacués par la bile.

La sécrétion exocrine de l'hépatocyte : la bile est un liquide légèrement alcalin, composé essentiellement d'eau, d'acides biliaires, de pigments biliaires et de cholestérol; elle est drainée par les voies biliaires intrahépatiques (canalicules biliaires =>passages de Hering =>canaux biliaires périlobulaires =>canaux des espaces portes) qui se réunissent à la sortie du foie en deux canaux biliaires confluant dans le canal hépatique; les voies biliaires extrahépatiques sont formées de la voie biliaire principale hépatocholédoque et de la voie biliaire accessoire (canal cystique et vésicule biliaire). La bile arrive dans le duodénum par le canal cholédoque au niveau de l'ampoule de Vater cernée par un sphincter lisse, le sphincter d'Oddi. La sécrétion hépatique de bile est un phénomène continu; la bile est ensuite emmagasinée et concentrée dans la vésicule biliaire; la contraction de la vésicule et le relâchement des sphincters libèrent le flux biliaire dans le duodénum; ces phénomènes (discontinus) sont sous le contrôle du système nerveux autonome et d'une hormone duodénale, la cholécystokinine dont l'excrétion est provoquée par l'apport alimentaire de lipides dans le duodénum; les acides biliaires émulsionnent les graisses et les vitamines lïposolubles, émulsion qui va permettre leur digestion par les lipases pancréatiques; une grande quantité d'acides biliaires est réabsorbée, déconjuguée par les entérocytes et ramenée au foie par la veine porte = cycle entéro-hépatique; les pigments biliaires sont déconjugués dans le gros intestin (en urobiline) et seront éliminés avec les fèces.

La cellule de Küpffer, macrophage bordant, appartient au système réticulo-histiocytaire originaire de la moëlle osseuse; elle contribue aux mécanismes de défense de l'organisme; la cellule de Küpffer a un rôle de phagocytose des bactéries, virus, particules étrangères, débris cellulaires; de plus, comme les macrophages bordants de la rate, elle assure la destruction des hématies usées ou anormales et récupère l'hémoglobine; elle catabolise l'hémoglobine et libère l'hème dont elle extrait la bilirubine et le fer; la cellule de Küpffer intervient donc activement dans le métabolisme du fer de l'organisme.

La cellule de Ito est une cellule étoilée, d'origine fibroblastique, différenciée dans le stockage des lipides ; elle peut se dédifférencier pour fabriquer du tissu conjonctif de remplissage dans certaines pathologies.

Quelques exemples de pathologies du foie :

- les hépatites* virales : l'hépatite A, d'origine digestive est peu grave, contrairement aux hépatites B et C transmises par le sang ou le sperme (maladies sexuellement transmissibles = MST)

- l'intoxication éthylique : l'alcool est le plus commun des toxiques hépatiques et entraine une hépatite* aigüe ou chronique, voire une cirrhose ; l'absorption brutale d'une grande quantité d'alcool peut provoquer un coma éthylique parfois fatal

* les hépatites, d'étiologie très variable, entrainent des altérations du parenchyme; les hépatocytes manifestent des signes de souffrance; on observe divers aspects cellulaires : une accumulation cytoplasmique de lipides (stéatose), une vacuolisation cytoplasmique (clarification), un aspect cellulaire boursouflé (ballonnisation); le parenchyme est parsemé de zones de nécrose et de foyers inflammatoires (polynucléaires, lymphocytes, macrophages) ; des phénomènes de réparation se mettent en place par multiplication des hépatocytes et reconstitution des canaux biliaires (à partir des cellules des canaux de Hering), et par cicatrisation fibreuse (à partir des cellules de Ito dédifférenciées et des fibroblastes des espaces conjonctifs) pour combler les vides causés par la nécrose tissulaire

- la cirrhose est la phase terminale de nombreuses pathologies hépatiques; les phénomènes de réparation sont devenus insuffisants et l'architecture hépatique est profondément bouleversée; elle est marquée par la formation de nodules d'hépatocytes régénératifs cernés par des cloisons fibreuses épaisses; les conséquences sont une réduction importante des capacités fonctionnelles des hépatocytes et une obstruction vasculaire intrahépatique (les capillaires sinusoïdes n'assurent plus le passage du sang portal dans les veinules centrolobulaires) entrainant une hypertension portale,cause potentielle d'une hémorragie cataclysmique.

Quelques pathologies des voies biliaires :

.- l'ictère ou jaunisse, d'étiologie variable (hépatites, obstruction du canal cholédoque par des calculs), est un défaut de l'excrétion de bile : la bilirubine (non conjuguée ou déconjuguée dans l'hépatocyte) ne peut pas être évacuée par les voies biliaires; elle passe donc dans le sang des capillaires sinusoïdes et gagne la circulation générale (responsable de la coloration de la peau).

- la lithiase biliaire est une pathologie fréquente caractérisée par la formation de concrétions de cholestérol et de bilirubinate de calcium (ou de carbonate de calcium) appelés communément calculs (lithos=pierre) dans les canaux ou la vésicule biliaires; la lithiase biliaire peut être asymptomatique et ne justifie pas obligatoirement un traitement : les médicaments et la lithotripsie extracorporelle (pulvérisation des calculs par ultrasons, rayons laser etc...) donnent des résultats limités; par contre, la lithiase biliaire peut provoquer une cholécystite (inflammation de la vésicule biliaire) et/ou des coliques hépatiques (par blocage d'un calcul dans le cholédoque) : il faut alors pratiquer une cholécystectomie (exérèse chirurgicale de la vésicule biliaire), associée parfois à une cholédocotomie (ouverture ou section du canal cholédoque), qui se pratique par laparotomie ou souvent par coelioscopie.

 

V - Le pancréas

1) Généralités

Le pancréas est un organe encapsulé composé de quatre régions : la tête, le col, le corps et la queue; la tête occupe la concavité du duodénum; la queue se situe dans l'hypochondre gauche et se termine près du hile de la rate; de la capsule fibreuse partent des travées conjonctives qui divisent le parenchyme glandulaire en lobules; la structure histologique du pancréas rappelle celle de la parotide, glande salivaire séreuse, avec, en plus, des îlots endocrines, appelés îlots de Langerhans, disséminés au sein du parenchyme exocrine :

- les lobules comprennent des acinus séreux, des canaux excrétosécréteurs intralobulaires et des îlots de tissu endocrine

- les travées conjonctives interlobulaires contiennent des vaisseaux, des nerfs et des canaux excréteurs interlobulaires.

La diapositive n°70 ( mg ) montre la double appartenance du parenchyme pancréatique : le parenchyme exocrine (PE) est essentiellement formé d'acinus; deux volumineux îlots endocrines ou îlots de Langerhans (IL) comportent de multiples petites cellules colorées en vert ou en rouge.

2) Le parenchyme exocrine

Le tissu exocrine occupe la plus grande masse glandulaire :

- les acinus ont une structure très comparable à celle des acinus séreux des glandes salivaires; les cellules acineuses sont pyramidales, triangulaires en coupe; leur noyau est arrondi en position sub-basale; leur pôle basal est basophile (richesse en ergastoplasme) et leur pôle apical est rempli de grains de zymogène acidophiles; la lumière des acinus contient des centro-acineuses au noyau arrondi et clair

- les canaux excrétosécréteurs intralobulaires sont des canaux intercalaires; contrairement aux glandes salivaires, il n'y a pas de canaux striés; les canaux intercalaires se prolongent à l'intérieur des acinus : ce sont les cellules de leur paroi qui constituent les cellules centro-acineuses; ils ont une lumière étroite et une paroi formée d'un épithélium unistratifié pavimenteux puis cubique

- les canaux excréteurs interlobulaires, plus volumineux, sont les confluents des canaux intercalaires; ils ont une lumière large et une paroi formée d'un épithélium prismatique simple avec, ça et là, quelques cellules caliciformes; ils se réunissent dans le canal collecteur de Wirsung qui rejoint la partie distale du canal cholédoque ou se jette directement dans l'ampoule de Vater; dans 20% des cas, il existe un deuxième canal collecteur, le canal de Santorini.

La diapositive n°71 ( im. ) montre un acinus pancréatique central avec trois noyaux clairs de cellules centro-acineuses (cc), les grains de zymogène acidophiles (Z) au pôle apical des cellules de l'acinus et l'aspect feuilleté (F) basophile du pôle basal (visualisation optique de l'ergastoplasme).

Le suc pancréatique est un liquide alcalin riche en pro-enzymes et enzymes :

- les pro-enzymes et enzymes pancréatiques sont sécrétées par les acinus; elles hydrolysent les trois types d'aliments dans la lumière du duodénum = processus de digestion intraluminale; les lipases* et l'amylase sont libérées sous leur forme active; par contre, les enzymes protéolytiques sont sécrétées sous forme inactive (pour empêcher l'autodigestion des tissus), le trypsinogène et le chymotrypsinogène; sous l'action de l'entérokinase, enzyme sécrétée par le "plateau strié" des entérocytes, le trypsinogène et le chymotrypsinogène sont respectivement transformés en trypsine et chymotrypsine actives; il existe aussi des ribonucléases et désoxyribonucléases

*seul le pancréas sécrète des lipases, enzymes indispensables à la digestion des graisses

- l'eau et les bicarbonates sont sécrétés par les canaux excrétosécréteurs.

La sécrétion du suc pancréatique est sous contrôle nerveux (ortho et parasympathique) et hormonal. Les fibres cholinergiques du système parasympathique (pneumogastrique) provoquent la sécrétion d'un suc riche en enzymes (présence de terminaisons nerveuses au contact des acinus); on peut observer des petits ganglions nerveux au sein du parenchyme pancréatique; les fibres orthosympathiques proviennent des ganglions coéliaques. Le rôle hormonal revient à des cellules endocrines situées dans les muqueuses pylorique et duodénale : l'arrivée du bol alimentaire dans l'estomac provoque la sécrétion de gastrine par les cellules endocrines de la muqueuse pylorique; puis le chyme gastrique libéré par le pylore déclenche la sécrétion de cholécystokinine (appelée aussi pancréozymine) par les cellules endocrines du duodénum; la gastrine et la cholécystokinine provoquent l'extrusion des grains de zymogène par les acinus (proenzymes et enzymes); d'autre part, l'acidité du chyme gastrique induit la sécrétion de la sécrétine duodénale qui provoque la libération d'eau et de bicarbonates par les canaux excrétosécréteurs, ce qui a pour effet de neutraliser l'acidité du chyme et de permettre ainsi l'action des enzymes pancréatiques.

3) Les îlots de Langerhans

Ce sont de petits amas endocrines plus ou moins arrondis; très nombreux (1 à 2 millions), ils représentent seulement 1/100 ème de la masse pancréatique; ils sont situés au sein du parenchyme exocrine, sans séparation nette avec ce dernier (non encapsulés); ils sont parcourus par de nombreux capillaires sanguins (réseau insulaire) et richement innervés. En technique courante, ils paraissent formés de deux types cellulaires : les cellules alpha acidophiles colorées en rose et les cellules bêta basophiles colorées en bleu ou vert.Les techniques d'immunocytochimie ont montré l'existence de trois types cellulaires principaux :

- les cellules à insuline sont les plus nombreuses (70% environ des cellules endocrines); elles correspondent aux cellules bêta ou cellules B; l'insuline est une hormone hypoglycémiante; elle stimule la captation de glucose par les hépatocytes (qui le stockent sous forme de glycogène = glycogénogenèse) mais aussi par les cellules musculaires striées et par les adipocytes (cellules graisseuses); la régulation de la sécrétion des cellules à insuline est triple : métabolique (glycémie), nerveuse (fibres ortho et parasympathiques) et hormonale (gastrine, sécrétine, VIP, CCK, somatostatine, glucocorticoïdes etc...)

- les cellules à glucagon (20% environ des cellules insulaires) sont les cellules alpha ou cellules A; plus volumineuses et souvent situées en périphérie des îlots, elles sécrètent le glucagon, hormone hyperglycémiante (augmentation du taux de glucose sanguin) en agissant essentiellement sur les hépatocytes (glycogénolyse); comme les cellules à insuline, elles sont sous un triple contrôle métabolique, nerveux et hormonal

- les cellules à somatostatine (5 à 10%) sont les cellules delta ou cellules D; ce sont des petites cellules très pâles voire incolores en technique courante; dispersées entre les cellules à glucagon, elles exercent sur ces dernières une action inhibitrice selon le mode paracrine*.

* On sait que la somatostatine a des effets inhibiteurs sur la sécrétion d'autres hormones (notamment l'hormone de croissance) et sur la motilité des fibres musculaires lisses.

La diapositive n°72 ( FG ) montre une portion d'îlot de Langerhans (IL) : les cellules à glucagon sont colorées en rose et les cellules à insuline en bleu pâle; les acinus séreux (AC) ont leur pôle apical bourré de grains de zymogène rouge; on note la présence de petits canaux intercalaires (ci) à épithélium pavimenteux clair.

La diapositive n°73 ( FG ) révèle les cellules à somatostatine par une technique d'immunofluorescence : l'anticorps antisomatostatine a été couplé à une protéine fluorescente donnant cette couleur verte (fluoresceïne isothiocyanate = FITC); le reste de l'îlot de Langerhans (IL) est "contrecoloré" (bleu Evans) en rouge et le parenchyme exocrine (PE) en rouge plus clair.

Par ailleurs, il existe des cellules endocrines insérées dans les constituants du parenchyme exocrine (acinus et canaux excréteurs); citons les cellules à gastrine, à sérotonine, à PP (polypeptide pancréatique), à VIP etc...; comme les cellules endocrines gastro-intestinales, ces cellules appartiennent au SED (système endocrinien diffus).

Quelques pathologies pancréatiques :

La pancréatite est une inflammation du pancréas; la pancréatite peut être chronique ou aigüe ; la pancréatite aigüe survient en quelques jours voire quelques heures; la rapidité de son apparition entraine un fort taux de mortalité => la libération anormale des enzymes pancréatiques (protéolytiques et lipidolytiques) est responsable de la nécrose du pancréas et des organes voisins situés dans la cavité abdominale; l'alcoolisme (déja cité) et l'obturation des voies biliaires par des calculs en sont les causes les plus principales.

Le diabète sucré insulinodépendant est dû à une insuffisance de sécrétion d'insuline; cette pathologie se manifeste par une glycosurie (sucre dans les urines) provenant d'une hyperglycémie (excès de sucre dans le sang); il apparait souvent chez l'enfant et nécessite l'injection quotidienne d'insuline; il peut avoir une cause génétique ou virale, mais le plus souvent il s'agit d'une maladie auto-immune avec production d'un anticorps anti-cellules bêta du pancréas.

Les différents types cellulaires endocrines peuvent donner des tumeurs (insulinome, glucagonome etc..) le plus souvent bénignes mais une évolution cancéreuse ne doit pas être exclue.

Le syndrome de Zollinger - Ellison, dont l'origine est un gastrinome pancréatique, se caractérise par la présence d'ulcères multiples et récidivants de l'estomac et du duodénum: la sécrétion excessive de gastrine pancréatique (les cellules à gastrine, rares dans le pancréas normal, se multiplient de façon pathologique) entraine une hypersécrétion d'HCL par les cellules bordantes gastriques d'où l'apparition d'ulcères digestifs.

Sommaire